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Les Dao, ethnie du Vietnam

Édité: 28/06/2018 - Visiteurs: 2210

Les provinces de la moyenne et haute région au Nord Vietnam. Les Dao occupent des terres à toute altitude et vivent en bons voisins avec d’autres ethnies, Hmông, Tày, Thái, Mường, Việt, Hoa…

Les Dao

  • Nom de l’ethnie: Dao (Yao).

Autres noms: Mán, Trại, Động, Dìu Miền, Kìm Miền, Kìm Mùn

  • Groupes locaux: Dao Lô Gang, Dao Đỏ (Dao Rouge), Dao Tiền (Dao aux Sapèques), Dao Làn Tiẻn, Dao Quần Chẹt (Dao à Pantalon serré), Dao Áo Dài (Dao à Tunique), Dao Đại Bản, Dao Cóc Ngáng, Dao Cóc Mùn, Dao Tam Đảo…
  • Population: près de 621.000.
  • Langue: Hmông-Dao.
  • Aire d’habitat:

Les provinces de la moyenne et haute région au Nord Vietnam. Les Dao occupent des terres à toute altitude et vivent en bons voisins avec d’autres ethnies, Hmông, Tày, Thái, Mường, Việt, Hoa… La même ethnie est présente encore en Chine, en Thailande et au Laos. L’émigration des Dao à partir de leurs provinces d’origine de Fukien, Guangdong, Guangxi (Chine) s’effectue depuis le XIIIe jusqu’au Xxe siècle.

Vie matérielle :

Les Dao vivent dans des villages populeux ou se dispersent en petits hameaux isolés. Les cultivateurs des rizières irriguées ou ceux qui pratiquent la rotation des cultures sur brûlis déjà sédentarisés, forment des villages au flanc des collines ou au pied des montagnes près d’un point d’eau.

Les habitations Dao sont soit bâties à même le sol, soit sur pilotis, soit à moitié sur pilotis, à moitié bâtie sur le sol. La maison bâtie à même le sol semble être le modèle préféré des Dao, surtout les Dao sédentarisés qui y trouvent une place appropriée au culte de Bàn Vương, ancêtre des Dao.

La maison sur pilotis est aussi fréquente chez les Dao sédentarisés qui pratiquent la riziculture irriguée et vivent dans voisinage des Tày, Nùng et Việt. Ou encore chez les groupes “Tunique verte”, “Tunique longue”, Sán Chỉ (Bắc Kạn) qui pourtant pratiquent la culture sur brûlis.

La maison moitié sur pilotis – moitié bâtie sur le sol a fait son apparition dans les hameaux des Dao itinérants. Elle est construite au flanc de montagne à pente raide, et grâce aux pilotis on n’est pas obligé d’aplanir de sol. La technique d’assemblage de la charpente est rudimentaire, les pièces étant liées les unes aux autres pas des lianes.

La disposition intérieure suit un ordre commun. Au fond de la travée principale, on aménage un petit compartiment où sont rangées les jarres d’alcool et de viande marinée grâce à une cloison placée à quelque distance de la paroi postérieure. Devant cette cloison, on dresse l’autel des ancêtre. Ce détail ne se rencontre chez aucune autre ethnie vivant au Nord Vietnam.

Le costume masculin Dao est le même pour tous les groupes. Un pantalon en cotonnade teinte à l’indigo. D’ordinaire, les Dao portent une veste courte, sur laquelle ils enfilent pour les grandes occasions une tunique qui descend jusqu’aux genoux, laquelle est teinte à l’indigo foncé et boutonnée sur le devant. Les cheveux sont relevés en chignon sur la nuque ou rasés sur le pourtour à l’exception d’une touffe au sommet de la tête comme chez les Hmông. Les Dao portent souvent un lon turban noué sur le devant.

En général, les femmes portent un pantalon et une longue tunique fendue sur le devant. Seules les femmes Dao aux Sapèques portent un pagne enroulé antour du corps. Pantalon ou pagne est également en coton indigo foncé. Les femmes Dao à Pantalon Blanc, comme leur nom l’indique, portent le jour du mariage un pantalon blanc, noué à la ceinture et dont les jambes sont particulièrement étroites. Les femmes du groupe Dao à Pantalon Serré portent des pantalons franchement collants. Sauf chez les Dao à tunique dont le pantalon est uniformément indigo, les bordures des pantalons dao décorés d’une bande de motifs.

Le costume des femmes Dao est caractérisé par une longue tunique ouverte sur la poitrine qu’elles recouvrent d’un cache-seins ou d’un sous-vêtement. Elles portent leur tunique avec les deux pans noués sur le devant ou serrés à la taille par une ceinture comme chez les Dao Làn Tiẻn. La tunique a un col genre officier et est teinte à l’indigo. Les femmes Dao Rouges brodent sur l’épaule de leur tunique le cachet de Bàn Vương. A ce même endroit, les Dao aux Sapèques fixent 7 ou9 sapèques. La tunique des femmes Dao à Tunique verte est la plus longue et pourvue de manches flottantes, de poignets décorés d’une bande de tissu rouge.

Les femmes Dao se coiffent de diverses façons : cheveux longs enroulés autour de la tête comme chez les Dao Rouges, cheveux partagés par une raie au milieu de la tête et relevés en chignon sur la nuque comme les Dao à Pantalon Blanc, les Dao à Tunique, cheveux coupés courts et enduits de cire d’abeilles, comme chez les Dao aux Sapèques, les Dao Lô Giang, les Dao à Pantalon serré.

Les Dao se promènent rarement tête nue. Les femmes portent un fichu indigo, à part les Dao aux Sapèques, au Cao Bằng, Lạng Sơn, Bắc Kạn, Hà Giang, Tuyên Quang, qui portent un turban blanc.

En plus du turban, les Dao ont coutume de porter un chapeau de forme carrée, arrondie ou conique. L’armature du chapeau est constituée par des cheveux englués de cire ou des fibres de courges séchées cousus ensemble, le tout recouvert d’une carré brodé paré d’ornements en argent. Chez les Dao Làn Tiẻn, on remarque que les vieilles femmes portent un chapeau plat “discoïde”. Chez les  Dao Rouges et Dao à Pantalon Blanc, seule la mariée porte un chapeau de forme conique. Chez les Dao aux Sapèques, le chapeau n’est de rigueur que dans les cérémonies ou les grandes occasions, mais les Dao à Tunique portent toujours un chapeau semblable à un boisseau. Le costume de tous les jours des femmes Dao Rouges comprend aussi un fichu rouge et l’ourlet supérieur de droite et de gauche de leur tunique est décoré de motifs floraux d’un rouge vif.

Le cache-seins des Dao Rouges, Dao à Patalon serré ou des Dao à Pantalon blanc est un plastron orné de motifs brodés sur lequel sont fixées en outre des parures d’argent.

Les femmes des groupes Làn Tiẻn, Lô Gang et des Dao Rouges portent encore des jambières blanches; celles des Lô Gang sont décorées de motifs traditionnels.

Les Dao, hommes et femmes, aiment se parer de bijoux en argent ou en bronze: bagues, boucles d’oreille, colliers, bracelets…

Aux trois formes d’habitat des Dao correspondent trois modes de production différents.

Dans les zones de montagnes roucheuses, les Dao sédentarisés pratiquent la culture sur des champs fixes ou l’assolement sur de petites parcelles de montagne encaissées entre les rochers. Ici la culture principale est le maïs, puis viennent le millet, le manioc et le seigle. Ils ne savent pas se servir du fumier pour fertiliser leur sol, exception faite des Dao de la région de Cao Bằng, Lạng Sơn, Hà Giang et Tuyên Quang. A cause de la forte pente des versants de montagne qui empêche la terre de garder l’eau, les champs donnent un très faible rendement annuel si bien que la disette constitue une menace permanente.

La bande de terre de moyenne altitude est la zone d’habitat la plus dense des Dao, qui exploitent principalement des brûlis itinérants, en y plantant riz et maïs. Les brûlis se dégradent vite et au bout de deux ou trois ans de culture, ils les laissent en jachère et vont défricher de nouveaux terrains.

Les instruments aratoires des Dao de cette région se composent d’une hache pour abattre les arbres, d’un couteau de brousse, d’un bâton à fouir, d’un sarcloir, et d’un petit couteau pour la moisson. Deux modes de semailles : ou mettre les semences dans des poquets pratiqués à l’aide du bâton à fouir, ou plus récemment, semer à la volée. En général, on pratique la pluriculture; le riz est planté à côté d’autres plantes : maïs, millet, lesgumineuses, cucurbitacées… Le manioc est cultivé en monoculture, mais dans les champs de maïs, on cultive aussi patate douce, taro, ignames.

En basse altitude, les Dao vivent dans les vallées encaissées, ou le long d’un axe de communication, en bons voisins des Tày, des Nùng et des Việt… L’agriculture s’y pratique dans des rizières inondées, des champs en terrasses et des brûlis fixes. La technique agricole est la même que celle des ethnies voisines. La superficie des rizières irriguées augmente de jour en jour car beaucoup de Dao sont descendus des montagnes pour passer à la vie sédentaire et travailler avec de nouvelles méthodes de production.

Chez les Dao sédentaires, l’élevage se développe rapidement, leur fournissant à la fois de la viande pour améliorer le menu quotidien et du fumier pour enrichir le sol. Nombreuses sont les familles qui ont des dizaines d’animaux domestiques. Dans certains villages, le cheptel atteint plusieurs centaines de têtes. De plus, on élève les chèvres pour la viande et les chevaux comme bêtes de selle et de bât. Les Dao èlévent beaucoup de cochons, certaines familles en ont plusieurs dizaines. Dans leurs basses-cours, les poulets arrivent en tête, puis viennent les canards, les oies, les pigeons.

L’artisanat n’est qu’une activité d’appoint et se pratique aux périodes creuses entre les saisons de travaux agricoles. Les femmes plantent l’indigotier pour teindre elles-même les tissus. Elles excellent à broder de  beaux motifs ou à les imprimer sur les tissus. Une caractéristique de cette broderie consiste à travailler à l’envers du tissu de sorte à faire apparaître des motifs en relief sur l’endroit. Les femmes  Dao aux Sapèques appliquent de la cire selon le dessin voulu sur le tissu avant de le passer à l’indigo, ainsi les motifs apparaîtront en clair sur un fond foncé.

Les hommes excellent dans la confection d’objets ménagers en bambou et en rotin. Ils forgent eux-même leurs instruments aratoires : pioches, herses, couteaux, socs de charrue, ils fabriquent aussi des fusils à silex ou à amorce et des projectiles en fonte. Depuis longtemps, ils fabriquent du papier artisanal à partir de la paille et des écores de certains arbres. Leur papier de bonne qualité - mince, lisse, assez blanc, retenant bien l’encre sans se laisser imbiber et se conservant bien – est utilisé pour les livres de généalogie, des documents officiels, les livres de culte… Certains Dao pratiquent des métiers transmis de père en fils comme la fabrication des bijoux d’argent et de cuivre.

Ils exploitent aussi les produits forestiers, font pousser des plantes médicinales : thé, bétel, caryota, bancoulier, anis. Ils s’adonnent à la chasse et à la pêche, et pratiquent la pisciculture dans des mares et des rizières.

 

Vie familiale et sociale :

Dans les régions de grande concentration Dao, les fonctions administratives sont assumées par les Dao eux-mêmes, de l’échelon châu (district) jusqu’à la base, système qui double l’appareil adminime qui double l’appareil administratif colonial. Les villages et les communes ont respectivement pour chefs động trưởng et giáp trưởng. Le chef du canton est appelé man mục; la fonction équivalente à celle de tri châu (chef de district) est le  quản chiêu. Ces diverses autorités bénéficient d’un certain nombre de droits et privillèges contre quoi elles servent fidèlement l’administration colonio-féodale dans ses manœuvrers visant à brimer et exploiter les Dao, à semer la discorde entre ces derniers et les autres ethnies. A côté sévissent encore les sorciers qui s’affublent de l’autorité divine pour exercer leur influence néfaste sur le peuple. Le reste de la population est sujet à l’exploitation et à l’oppression. Dans les localités où les Dao sont comparativement peu nombreux, ils subissent le joug des classes dirigeantes d’autres ethnies telles que les thổ ty, phìa tạo, lang đạo…

Selon certains textes anciens, l’ethnie dao se compose à l’origine de 12 lignages dont le Bàn est l’aîné. Chaque lignage se divise en branches qui, à leur tour sont subdivisées en plusieurs grandes familles. Chaque grande famille a un chef tộc trưởng responsible du culte des ancêtres et dont la demeure s’appelle grande maison, par opposition à petite maison, celle des familles membres. Le tộc trưởng joue un très grand rôle vis-à-vis de ces petites familles.

La cellule sociale Dao est la petite famille patrilinéaire. La monogamie et le patrilocat sont de rigueur.

Selon les groupes Dao, les coutumes matrimoniales sont différentes. Pour pouvoir se marier, les jeunes gens doivent non seulement obtenir l’approbation des parents mais encore avoir des dates de naissance “concordantes”. Le jeune homme demande à sa future belle-famille l’autorisation de s’y installer et travailler bénévolement pendant 3, 4 jours. Après un ou deux mois, il revient y faire un second séjour. Mais cette fois, il a la permission de parler à sa fiancée et de partager sa couche. Au bout de deux ou trois jours, il rentre chez lui pour faire les préparatifs du mariage, si la famille de la fiancée est toujours d’accord. Il lui faut avant tout remettre à la famille de la fiancée les cadeaux de mariage qu’elle exige. Même au cas où, faute de moyens, il n’arrive pas à s’acquitter de cette obligation, le mariage peut quand même avoir lieu, mais sous forme de “mariage temporaire”. Dans bien des cas, alors que les enfants du couple sont parvenus à l’âge adulte, on n’a pas encore eu les moyens de célébrer le mariage “définitif”. Dans ce cas, si le couple a la fille aînée qui se marie, il fait des offrandes aux ancêtres et invite les parents de la mère à participer au festin au cours duquel ces derniers rappellent le montant des cadeaux de noce qui leur reste dû. Le prix des cadeaux exigés dans le présent mariage de la jeune fille doit en être l’équivalent et leur reviendra de droit.

A cause de la pauvreté, la mortalité infantile chez les Dao atteint un taux très élevé, si bien que dans certains cas, le chiffre de la population diminue dangereusement. La femme Dao enceinte est obligée de se soumettre à une série de tabous et d’abstinences irraisonnables car selon la croyance populaire, elle porte malheur et souille les milieux environnants.

La femmes Dao accouche en position accroupie. Trois ou quatre jours après l’accouchement, a lieu une cérémonie par laquelle les ancêtres sont informés de l’événement. Quand l’enfant a 30 jours, on procède à une cérémonie en honneur de bà mụ, sorte de fée-matrone, et donne un nom à l’enfant qui est celui d’un génie protecteur. Ce n’est qu’à l’âge de 10 ans que l’enfant reçoit son vrai nom. En plus du patronyme, le nom personnel s’adjoint encore d’une particule choisie dans l’ordre parmi un système de mots particuliers à son groupe familial. Cette importante cérémonie du baptême d’origine taoïste est parfois célébrée en même temps que le rite cấp sắc à l’âge de 15 ou 20 ans, lequel marque la majorité du garçon qui, désormais, est considéré par la société et les divinités comme un membre à part entière de la communauté. Chez les groupes Dao dont les jeunes filles ont la contume de porter les cheveux courts et enduits de cire, la cérémonie pendant laquelle on “laque” les cheveux (c’est-à-dire les enduit en cire chaude, puis les enroule dans un turban) a lieu quand la jeune fille atteint l’âge de 13 ans. Cette cérémonie est aussi importante et significative que celle de cấp sắc pour le garçon.

Comme les Dao croient à l’existence d’un autre monde, celui des âmes, les funérailles comportent un rite spécial consistant à “raccompagner l’âme du défunt jusqu’au pays d’origine qui est Dương Châu”.

Selon la contume des Dao, il y a trois modes de funérailles : inhumation, incinération et funérailles “aériennes”. Le lieu d’incinération est choisi par le thầy tào. On pose le cercueil sur neuf couches de bois sec disposées en forme de cage. C’est au thầy tào d’y mettre le feu. Cette coutume se pratique surtout chez les Dao à Tunique longue et de façon moins courante chez les Dao à Pantalon blanc. Les funérailles “aériennes” sont réservées aux gens qui meurent à une heure néfaste. Le cercueil est fait de planches ou de tiges de bambous, assemblées à claire-voie et déposé sur une étagère à 2m du sol. Au bout d’un an, on recueille les os dans une jarre qui sera inhumée. Cette coutume est souvent pratiquée chez les Dao aux sapèques.

Sauf chez les Dao à Tunique et les Dao à Pantalon blanc où l’on a coutume de construire des maisons funéraires, les tombes Dao sont gérénalement marquées par des blocs de pierre blanche plantés de façon à former un petit menhir du côté de la tête du mort et un petit dolmen du côté des pieds.

Vie spirituelle :

Les Dao pratiquent le culte des ancêtres chez eux ou à la maison du chef du lignage. Ils adorent aussi Bàn Vương (Chẩu Đàng) l’ancêtres mythique commun à leur ethnie.

Dans la vie spirituelle des Dao, l’influence des trois religions est assez profonde, en particulier celle du Taoïsme qui se manifeste nettement dans les fêtes saisonnières ou dans les séances de prière pour implorer la protection divine quand se produit un événement : maladie, accouchement, funérailles, calamité naturelle.

Les arts et la littérature folkloriques meublent heureusement la vie intellectuelle des Dao. Depuis longtemps, les Dao utilisent l’écriture chinoise (mais prononcée à la manière Dao) pour copier des livres de culte, des généalogies, transcrire des contes rimés et d’autres traditions orales. Les principaux genres sont : vieux contes, contes humoristiques, fables, devinettes, chansons populaires avec un contenu riche et esvocateur. Parmi les chansons folkloriques, les plus populaires sont les pả dung, sorte de chants alternés lyriques. Les contes Dao ont été recueillis et édités.

Le décor des étoffes Dao témoigne de l’habileté et du goût des femmes Dao qui brodent, avec des fils richement colorés, des motifs réalistes : animaux, végétaux, motifs figurant des instruments aratoires, des personnages, de lettres.

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